30 août, 2013

Alyah - Episode 5 : Savlanout - Patience


Avant  d’arriver en Israël, on nous avait prévenu, « Armez-vous de beaucoup de beaucoup de patience » nous avait dit le délégué de l’agence juive.

Depuis mon arrivée, j’entends ce mot sur tous les tons. « savlanout » - Patience. Avec le sourire – savlanout – avec l’index et le majeur collé au pouce – savlanout.  J’entends ce mot partout. A l’oulpan, à la plage, dans la file d’attente du supermarché, au gan,  au parking, à la banque.

Bon ok la patience, ce n’est pas mon fort. Mais comment ce pays où les gens parlent vite, mangent vite, conduisent vite, s’énervent vite peut-il prône … la patience

Je n’ai pas la réponse à cette question. En attendant, ils commencent tous à me courir avec leur savlanout à géométrie variable.

Il y a une heure, je rentre dans une épicerie.  Je viens de me faire ouvrir chez le poissonnier. J’ai un kilo de saumon dans la main droite, vue la température extérieure, j’ai environ 10 minutes  avant de rentrer chez moi. Je me sens comme la fille qui a 5% de batterie sur son iphone. Je viens juste acheter de l’eau, des halots et du raisin sans pépin. Je suis à la caisse. Devant moi, la fille a plein de courses, elle tape la discussion avec le mec derrière la caisse.  Je suis entrain de me dire que si ca continue mon poisson va se taper un orgasme de ouf quand je vais  le foutre au congélateur (oui j’aime bien cette image, bref).

Au bout de 7 minutes, c’est à mon tour et là, qui me double par la droite pour poser son yaourt ? un type la soixantaine, avec un bob blanc « I’m the boss ». Il commence à chercher sa monnaie.

Non content de m’entendre pester en français, il lance au mec derrière la caisse

« Hi lo mekira Savlanout  » (Elle connait pas la patience)

Je lui réponds : «  Ve Ata, Ata mekir Savlanout. Ayiti cham lifnéar» (Et toi, tu connais la patience. J’étais là avant toi) ( PS : j’écris mot pour mot ce que j’ai dit, je ne suis pas sur de la justesse de cette phrase en hébreu).  

Bon, autant ne pas faire durer le suspens :  le gars est passé à la caisse avant moi. Il s’est marré et s’est même payé le luxe de revenir pour demander une cuillère en plastique.

La vraie question c’est  qui a inventé cette «savlanout  » ? Je comprends que dans les années cinquante, les agronomes qui étaient chargés de faire pousser des oranges dans le désert répondaient « savlanout » à leur patron qui se voyait déjà à la tête d'une multinationale mais quand moi j’allume le mazgan (air conditionné) et qu’il ne marche pas, si mon proprio me dit « savlanout », on peut objectivement dire qu’il se fout de ma gueule.

Quand j'ai vu partir le gars avec son bob "I'm the boss", je me suis dit que parler à tout bout de champs de patience pour un peuple qui selon le calendrier grégorien a attendu 1948 ans pour avoir un état c'est soit hyper gonflé soit carrément sadique. Et si c'était les deux.

3 commentaires:

  1. Bienvenue en Israel !
    Il faut un petit moment pour s'acclimater et comprendre comment les choses fonctionnent ici.
    Par exemple, la queue dans les supermarches c'est tout une sous-culture passionnante avec ses rites et ses traditions.
    Il est de coutume de laisser passer les gens qui ont juste un ou deux produits - mais a condition qu'ils demandent d'abord.
    Il y a aussi ceux qui mettent leur caddie dans la queue et vont ensuite faire leurs courses et quand ils ont fini disent qu'ils etaient avant vous.
    Tu remarqueras que 95% du temps il s'agit de gens de plus de 50 ou 60 ans, bizarrement les plus jeunes se conduisent rarement comme ça.
    Tu peux laisser faire ou te battre, c'est un choix, parfois si tu gueules ils s'excuseront - les Israeliens sont tres forts dans le genre "tant que personne ne dit rien, je continue" ou "tant que mes employes ne demandent pas d'augmentation je ne leur en donne pas" etc... en gros il faut s'exprimer en Israel sinon on te bouffe.
    Mais en général, les gens qui font ça ont l'habitude de se faire crier dessus et s'en foutent, il faut alors ne pas avoir peur d'utiliser la force en les virant de la queue, et en demandant le soutien des autres dans la queue. Ou donc, laisser passer parce qu'il y a des choses plus importantes dans la vie que de se battre pour gagner 5 mn dans une queue.
    Voila.

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    1. Michael,
      je vais laisser passer, je crois que tu as raison y a pire que de perdre 5 minutes dans la queue, c'est juste que j'aurais apprécié un mot, un regard mais bon sa casquette parlait pour lui "I'm the boss". faut s'incliner dans ces cas là

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    2. Autre chose - quand on te prend pour un Israelien local, on te respecte beaucoup plus aussi. Le cote touriste/ ole hadash invite a ce genre de comportement, on va dire que c'est une sorte de bizutage.
      Comment on te prend pour un local ? Aucune idee, moi c'est venu avec le temps, c'est la facon de s'habiller, de se couper les cheveux (pas besoin de suivre la mode locale non plus), de se tenir, de se comporter. C'est vrai qu'on repere les touristes ou Olim en un coup d'oeil, et les Francais c'est comme si ils avaient une immense affiche en neon sur eux, on les repere a 500 metres.

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